Ami lecteur, souviens-toi. Dans mes précédents articles, j’étalais salement ma vie de globe trotteuse à la face du monde en tartinant discrètement le tout d’un encouragement subtil pour les âmes voyageuses en quête d’aventure. Du moins, j’ose espérer que ça peut donner le déclic à certains pour d’éventuels projets de voyages prolongés.
Mais, ma foi, ami lecteur, je ne vais pas te tromper, vivre à quelques milliers de kilomètres de chez soi n’est pas toujours chose facile. En effet, outre le fait qu’il est possible de faire de nombreuses syncopes par manque de vin et de fromage (ou simplement, quand il y en a, en constatant le prix exorbitant de ces denrées aussi rares qu’exquises), le voyageur doit également faire face à des difficultés inhérentes à notre nature humaine terriblement grégaire.
Ainsi, m’expatriant aujourd’hui dans une contrée lointaine, froide et hostile, j’aurais probablement dû te préciser que c’est une entreprise que je mène seule. Sans amis, sans famille, sans le support de vagues connaissances installées sur place. En d’autres termes, débrouille toi ma fille et crée-toi une vie sociale de zéro.
Marmite sociale
Qu’est-ce donc que cela ? The Scientist (moi-même mais j’aime parler de moi à la troisième personne) définit ce terme comme étant le bouillon macéré, mijotant depuis quelques semaine/mois/années, des relations sociales, qui embaume notre vie et dans lequel on se plaît à goûter de temps à autre, y tremper le gros orteil… quand il ne s’agit pas d’y prendre carrément un bain.
On peut y ajouter des ingrédients qui parfument la marmite de saveurs délicates et subtiles, délicieuses, voire succulentes… ou, au contraire, y mettre des ingrédients infects qui la pourrissent pour quelques temps. Le fait est donc qu’on y ajoute ce que l’on veut, mais que s’il s’agit d’en retirer ce qui ne nous plaît pas, ça peut laisser tout de même un goût amère.
Cessons-là cette métaphore filée, je crois que tout le monde aura saisi l’idée.
Partant donc de cette marmite vide, tandis que d’autres mijotent à feu doux en attendant mon retour, je me suis retrouvée seule sans sorties à me mettre sous la dent, sans ingrédients avec qui partager de bonnes blagues, sans rien d’autre qu’une marmite qui sonne creux et dont les échos terrifiants font prendre conscience de pas mal de choses.
Petites réflexions
1. Se faire des copains, c’est drôlement plus facile quand on est encore étudiant.
2. Bien qu’à mon sens, les collègues ne soient pas des amis (tout comme le faisait remarquer Reine des Licornes dans un article récent pour SBG), le travail apporte, en terme d’interaction sociale, le minimum syndical qui pourra empêcher beaucoup d’entre nous de parler aux plantes vertes.
3. Pour vivre totalement seul, mieux vaut s’entendre très bien avec soi-même.
Cas numéro trois
Oui, personnellement, je ne suis plus étudiante et j’ai débarqué ici sans travail, donc je vais parler du cas que j’ai connu récemment (et puis je pars du principe que tout le monde connait déjà plus ou moins les point 1et 2).
Donc voilà, parlons de cette solitude un peu particulière. Eh bien, par chance, je n’en ai gère souffert. Mon égo est tellement surdimensionné que mon esprit génial en fait un être (magnifique, drôle et ô combien brillant) à part entière avec qui, évidemment, je m’entends très bien. Mais, je dois t’avouer, ami lecteur que cela ne dure qu’un temps. Un temps agréable et qui ne m’a pas paru trop long pour ma part. Mais un temps au bout duquel l’envie de trinquer pour de fallacieux prétextes se fait sentir, au bout duquel on a envie de rigoler d’autre chose que les vidéos des petits chats de Youtube, au bout duquel on a soif de nouvelles rencontres et de bonnes surprises comme seule une vie sociale digne de ce nom peut en apporter.
Les amis d’amis
Partant du principe que les amis d’amis sont à l’image de mes amis et que mes amis sont à mon image, il y a de grandes probabilités pour trouver des intérêts communs voire certaines affinités avec les amis d’amis.
Cette phrase n’est pas claire, mais qu’importe.
Mes amis, ceux qui mijotent à feu doux dans diverses contrées, ont donc rédigé pour moi la liste de courses des denrées qu’ils me suggèrent d’ajouter à ma marmite vide.
« Tiens, Untel est l’un de mes meilleurs potes/mon frère/mon ancien colloc/… ! Je le préviens que tu es là par e-mail, tu verras, il est sympa ! ».
Pif, paf, pouf, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, par l’intermédiaire de plusieurs amis, j’avais donc rapidement plusieurs personnes à rencontrer. J’ai rapidement sympathisé avec certaines qui m’ont-elles-même introduites dans leur marmite sociale faisant de moi un ingrédient parmi les autres, côtoyant donc les amis d’amis d’amis qui eux-mêmes m’ajouteront peut-être dans leur marmite sociale où je côtoierai probablement de nouveau ingrédients … etc, etc, etc, …
Inscrire sa marmite au guide Michelin
L’art de se créer une vie social est délicat, pas tant par les moyens mis à dispositions (dans un prochain épisode, je tâcherai de développer une autre tactique facile pour se faire des potes) car tous les moyens sont bons, mais pour la façon de gérer les choses à long terme et le degré de qualité que l’on souhaite obtenir de notre marmite.
En effet, s’il est toujours aisé de la remplir rapidement avec bien des choses prises au hasard, rien ne peut lui garantir une saveur digne de ce nom.
Pour cela, il faut choisir ses ingrédients avec soin, y goûter régulièrement accompagné d’une bonne bière locale dont les bocks s’entrechoquent bruyamment (ou autres spiritueux locaux à plus de 4%), et laisser du temps pour que tout cela mijote doucement, rendant le bouillon meilleur, rendant l’appétit peu à peu insatiable, générant la boulimie exquise, et créant le manque cruel, la faim, la famine quand on ne peut y goûter pendant trop longtemps.
Article rédigé par The Scientist.