Paris – Septembre 2004
Je me rappelle parfaitement la lumière de cette fin journée, ce doux soleil encore gorgé d’été, la promesse d’une belle soirée… dans ma voiture, même les tours de Noisy-le-Grand sur le bord de l’A4 avaient l’air de me sourire. Dans mon sac, un test de grossesse allait m’apporter la confirmation de ce que je sentais depuis quelques semaines, j’allais être maman… enfin, j’allais d’abord avoir un bébé, parce que malgré ce qu’on pense, on n’est pas Maman d’un coup de baguette magique au moment où la sage-femme coupe le cordon ombilical, non, non, on le devient…
Soyons claires : qu’on épargne aux primipares, en dehors des cours prodigués par les professionnelles de la naissance, certains détails de l’accouchement, je peux le concevoir. Parce que chaque accouchement est différent et terriblement intime ; parce que ce n’est pas un examen et qu’il ne sert à rien de bachoter ; parce que ça ne se passera de toute façon pas comme vous l’avez imaginé… Par contre, il y a quand même des choses pour lesquelles j’aurais bien aimé pouvoir me préparer, histoire ne pas me retrouver dépourvue, au bord de la dépression post-partum, une fois que le petit bout, en chair et en couches, fut venu.
1. J’aurais aimé savoir que le coup de foudre, c’est comme les antibiotiques, c’est pas automatique
Bébé me regarde, je le regarde. Des deux côtés, le même étonnement : « Alors c’était toi ? Je t’imaginais plus ronde, souriante, avec des fossettes et moins de cheveux… et puis t’es bourrée de tics, c’est quoi ces mimiques permanentes ?
- du calme ma Grande, t’avais qu’à pondre tout de suite un bébé de 6 mois, comme dans les séries télé ! et toi, je ne voudrais pas te faire de peine, mais autant tu devais être magnifique il y a quelques jours, autant là, t’as l’air plutôt tapée… »
Un peu déboussolée, voire honteuse, je me demande pourquoi, moi, je ne suis pas immédiatement frappée par l’amour maternel inconditionnel dont on m’a tant parlé. Ou peut-être ne sais-je pas encore le reconnaître : serait-ce cette nouvelle peur qui m’étreint à chaque fois que je ne l’entends plus respirer ? Ce sentiment un peu angoissant que je ne pourrais plus prendre de risques inconsidérés (faire de la chute libre, de la moto les cheveux au vent, partir dans un pays fortement déconseillé par le ministère des affaires étrangères…) parce que quelqu’un dépend de moi ? Cette chaleur au fond du ventre… ah non, ça ce sont les contractions d’allaitement…
Bref, si j’avais su qu’il fallait AUSSI laisser un peu de temps à une mère et son nouveau-né pour se découvrir, je n’aurais pas culpabilisé comme une folle en me disant que je n’étais pas faite pour aimer un enfant.
2. J’aurais aimé savoir que les premiers mois, ce n’est pas QUE du bonheur
D’abord, cette expression me hérisse les poils, ensuite, non, les premiers mois, ce n’est pas que du bonheur, c’est dur, voire super dur :
- un bébé, premier ou pas, il faut « qu’il se mette en place », les nuits, les biberons, les coliques, et toutes les autres petites choses qu’on ne soupçonne pas et qu’il ne pourra jamais nous dire… alors oui, un bébé pleure souvent, mais ce n’est pas pour ça que c’est grave ;
- passée l’euphorie du « on a fait un bébé ensemble, on est tellement bô tous les trois », le couple peut subir des petites crises dues à la panique (« Tu lui as donné un bib de 240 !!! Elle n’en est qu’à 120 mL, mais ça va pas ?! Tu veux la tuer ! »), à la fatigue (« Mais j’en sais rien moi, ce qu’on fait quand un bébé pleure plus de 2 heures d’affilée, j’en n’ai jamais eu avant non plus figure-toi ! »), aux différentes conceptions de l’éducation (« Laisse-la pleurer, sinon, on va en faire une enfant capricieuse – et tu as déjà entendu un nourrisson de 6 jours faire des caprices, toi ?! Pour quoi ? Pour qu’on la laisse regarder Gulli ?! »). Heureusement, ce qui ne tue pas un couple le rend plus fort, mais ce qui est certain, c’est que pendant ces premiers temps, il ne faudra pas compter sur une réconciliation sur l’oreiller… non, ça c’est sûr ;
- côté physiologique d’ailleurs, on ne reconnaît pas ce corps qui doit encore se contenter des vêtements de grossesse mais flotte dedans ; on a mal partout et surtout, on a les hormones dans les chaussettes, donc la larme à l’œil et la crise d’hystérie facile (en même temps, ça fait déjà 9 mois que ça dure !) ;
Bref, si j’avais su que ces premiers mois seraient si difficiles, j’aurais pu relativiser, ne pas pleurer tous les jours d’inquiétude pour la santé de mon bébé ou celle de mon couple, j’aurais pu tout mettre sur le dos de mes hormones et attendre que ça passe avant de jeter mes anciens jeans.
3. J’aurais surtout aimé qu’on me dise « Faites-vous confiance » beaucoup plus tôt
J’ai bien regardé, le truc qui braille dans son berceau m’a été livré sans mode d’emploi… alors oui, j’ai lu des tonnes de bouquins/magazines/forums avant qu’il n’arrive ; oui, ma belle-mère me donne des conseils, la cousine de ma tante me donne des conseils, cette charmante Maman épanouie avec ses trois bambins croisée dans la rue me donne des conseils, la Terre entière se sent en position de me donner des conseils… ET J’EN AI MARRE ! Tout se mélange, rien ne me convient et je ne sais plus quoi faire. Jusqu’au jour où la sage-femme qui m’avait préparée à l’accouchement me dit : « Faites-vous confiance, écoutez-vous ; c’est votre enfant et même si vous êtes persuadée du contraire, vous avez l’instinct maternel ».
Si j’avais su me faire confiance, je n’aurais pas suivi ce pédiatre, vieux comme Hérode, me dire que mon lait n’était pas bon et que ma fille criait trop. Telle la louve, la tortue ou la baleine, j’aurais vécu cette maternité comme un truc animal et naturel, en m’écoutant et en entendant mon bébé.
En même temps, si on m’avait vraiment dit tout ça, n’aurais-je pas pris mes ovules à mon cou avant qu’il ne soit trop tard? Peut-être bien… et je serais passée à côté du bouleversement le plus important de toute ma vie, mais ça, c’est une autre histoire…
Article rédigé par Ma vraie vie de MAF.
No comments:
Post a Comment