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Courriels et coup de foudre (lecture d’été) BEAUTÉ

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Une femme qui souhaite arrêter son abonnement à un magazine écrit à plusieurs reprises un courrier électronique de résiliation à une adresse qu’elle croit être la bonne. A l’autre bout, un homme qui n’a rien à voir avec le journal finit par s’impatienter. Quelques mois plus tard, il reçoit un nouveau courriel de sa correspondante pour les vœux de fin d’année. Voyant qu’il fait partie d’une large liste de destinataires, il en est un peu vexé et reprend contact. Abrités l’un et l’autre derrière l’anonymat de leurs écrans, ils commencent un bavardage avant que, peu à peu, naissent des sentiments. Emmi, 34 ans, se pense bien mariée, avec un homme plus âgé qui a eu deux enfants d’un premier mariage. Ils n’ont pas d’enfant ensemble. Leo, 36 ans, est célibataire, sans enfant et vient de rompre avec +Marlene. Lui est universitaire, psychologue spécialiste du langage. Elle travaille comme graphiste web. L’un et l’autre sont donc souvent devant leur ordinateur.


 


Tous deux goûtent le plaisir de se dévoiler sans se voir et élaborent des jeux pour se rencontrer sans lever l’anonymat. Par exemple, se trouver au même moment dans un même endroit public (un café très fréquenté) et essayer de deviner où se cache son/sa correspondant(e). De retour chez soi, échange de courriels : chacun pense avoir reconnu l’autre, chacun s’est trompé… !


 


Si l’un tarde à répondre, l’autre s’impatiente. Parfois, les courriels s’enchaînent d’une minute à l’autre, parfois il se passe plusieurs jours, voire plusieurs semaines. On s’attache à Emmi et Leo dont on voit les sentiments progresser par à-coups, entre prudence et audace. Les cœurs s’emballent mais l’histoire n’est ni simple, ni linéaire. Les doutes, les rendez-vous manqués, les stratégies d’évitement de la réalité (Emma essaie même de « caser » Leo avec sa meilleure copine !) créent des rebondissements jusqu’à la  fin abrupte qui laisse le lecteur sur sa faim mais heureusement il y a une suite… : « La septième vague* (Alle sieben Wellen) ».


 


Source photo : www.daniel-glattauer.de


Ce roman de Daniel Glattauer, « Quand souffle le vent du nord »* (Gut gegen Nordwind, 2006 et 2010 pour la traduction française) a connu un grand succès en Allemagne, puis en France. Romancier et journaliste, né en 1960 à Vienne (Autriche), il a un site (en allemand) : www.daniel-glattauer.de


 


Son dernier livre : « Ewig Dein » (A toi pour toujours).


 




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Lecture de rentrée : Le bâtard récalcitrant, de Tom Sharpe BEAUTÉ




 


Pour se remettre du choc de la rentrée, rien ne vaut un roman loufoque. Le bâtard récalcitrant* est de ces romans qui ne sauraient être qu’anglais. Tom Sharpe (sharp : l’affûté), né en 1928 d’un père pasteur plutôt rigide et d’une mère sud-africaine, est parti travailler une dizaine d’années (1951-1961) à Soweto (Afrique du Sud) où il s’est insurgé contre l’apartheid avant d’en être expulsé et fiché comme « communiste » – ce qu’il a découvert lors d’une demande de visa des années plus tard. Après cette expérience, Sharpe se lance dans le métier d’enseignant, le tout a donné matière à des romans plutôt décapants.


 


Dans la lignée des Monthy Python, notamment de John Cleese (on pense à Un poisson nommé Wanda), quelques obsessions sont fermement ancrées dans ses livres : la critique de l’administration, en particulier le fisc, le refus des conventions et du « politiquement correct », le souci que les choses soient bien faites et selon des valeurs qui n’ont rien à voir avec l’argent ou l’ambition mais plutôt l’honnêteté et la droiture et aussi, ce qui crée turbulences, rebondissements et problèmes en tout genre, l’omniprésence de la sexualité. Les personnages de Sharpe ont toujours un sens aigu de leur libido et du genre de personnes avec qui ils aimeraient l’entretenir.


 


Armé d’une vision critique des travers de la société comme des individus et d’un sens très anglais du décalage, sans parler de l’art d’enchaîner les situations toutes plus absurdes les unes que les autres sans reprendre son souffle, Tom Sharpe brosse dans Le bâtard récalcitrant le portrait du jeune Lockhart Flawse. Lockhart, orphelin de mère et de père inconnu, est élevé par son grand-père, homme fantasque et peu au fait de la modernité, partisan de l’enseignement des mathématiques et des bonnes vieilles vertus d’autrefois, qui vit retranché dans son domaine de Flawse Hall, situé « sur la lande la plus glaciale du Northumberland ». Tenu soigneusement « dans la totale ignorance des choses de la vie » et ne disposant pas d’état-civil, son grand-père n’ayant jamais déclaré sa naissance, Lockhart est éduqué par des précepteurs, choisis en fonction de « leur détachement vis-à-vis des contingences terrestres » et des gouvernantes, recrutées selon « leur complaisance à partager le couvert et le lit du vieux Flawse ».


 


Lockhart est un chasseur émérite qui, à l’âge de 17 ans, a tué à peu près tout ce qui vit aux alentours, ce qui a poussé les renards dépourvus de nourriture « à mettre un terme à une situation intenable en s’exilant vers des landes moins astreignantes ». Le médecin du vieux Flawse lui ayant conseillé une croisière, son petit-fils qui l’accompagne tombe amoureux sur le bateau de la jeune Jessica Sandicott tout aussi innocente que lui pendant que la mère de Jessica décide de mettre le grappin sur le grand-père qu’elle pense fortuné et aristocrate. Cette innocence qui porte Jessica à croire que les bébés sont amenés « par les cigognes dans des petits berceaux de tissu et leurs mamans sont toujours si contentes » n’est pas sans conséquence sur la vie conjugale nocturne des deux jeunes gens. ‘ »Quand ils se mettaient au lit le soir et dormaient dans les bras l’un de l’autre, il avait une érection et elle non. Il était trop courageux et trop gentleman, pour faire part des douleurs que lui occasionnait le fait, comme on dit vulgairement, d’avoir le gourdin. Ils se bornaient, serrés l’un contre l’autre, à des baisers passionnés. Lockhart n’avait pas la moindre idée de ce qui se passait ensuite – pas plus que Jessica ».


 


Sharpe dit de lui-même qu’il écrit « au coupe-coupe » et c’est exactement l’attitude de Lockhart qui,  face aux tracas administratifs et à tous ceux qui essaient de porter atteinte à son conjugal et très chaste bonheur avec l’adorable Jessica tranche tout ce qui dépasse et tout ce qui gêne. Tous les moyens sont bons : donner du LSD à un bull-terrier qui va prendre les policiers pour des panthères et les troncs d’arbre pour des pattes de mammouth, mettre du produit pour décaper les fours à l’intérieur de préservatifs (ce qui a des conséquences tragiques pour l’utilisateur desdits préservatifs), livrer des sex-toys à des vieilles filles, mettre des rats crevés dans les égouts… Pendant que Lockhart entreprend de retrouver son père (l’auteur ne nous épargne aucune hypothèse, même les plus dérangeantes) et de protéger les biens de son épouse des mesures iniques de l’administration fiscale, son grand-père, remarié avec la mère de Jessica, essaie d’échapper à la mort accélérée que lui promet celle-ci, désireuse d’hériter au plus tôt et de rénover de fond en comble l’ancestrale demeure.


 


Les rebondissements s’enchaînent et l’imagination du jeune Lockhart pour déjouer les pièges de la normalité est sans limites, comme apparemment celle de l’auteur. Jusqu’au bout, jusqu’aux dernières lignes, on est tenu en haleine.
 




Photo Tom Sharpe
 


* titre original : The Throwback, traduit de l’anglais par Jean-Paul Mourlon, 10/18, 1996


 
 




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Sucre et lavande (lecture d’été) BEAUTÉ



Si vous n’êtes pas allés voir Degas et ses monotypes de bordels parisiens au musée d’Orsay mais que vous avez envie de découvrir l’univers de la prostitution à la fin du XIXème siècle dans une grande capitale européenne, vous devez lire « La rose pourpre et le lys » de Michel Faber. Sorti en 2005 pour la traduction française, cet énorme (1143 pages) livre* nous offre une année ou deux de la vie de multiples personnages.
 




 


Sugar (Sucre) est une prostituée de 18 ans qui exerce depuis 5 ans déjà** son métier chez Mrs Castaway. On apprend au cours du récit la véritable identité de cette mère maquerelle toujours habillée de rouge. La révélation fait un petit choc au lecteur comme il en aura souvent pendant sa lecture. L’histoire se déroule dans un quartier de Londres qui abrite toute une faune misérable et où l’apparence, comme dans toutes les couches de la société de cette époque – on est en 1875 -, dit qui vous êtes et qui vous n’êtes pas. Ainsi, les femmes pauvres ne peuvent pas porter de gants car on croirait qu’elles les ont volés alors que les femmes bien doivent en porter en toute circonstance, sauf à leur domicile. Cette Sugar est différente à maints égards. D’abord, elle fait « tout » ce qui lui donne une certaine réputation dans le milieu interlope des prostituées et de leurs clients. Grande et maigre, elle s’habille comme une dame, le plus souvent de vert foncé, ce qui fait ressortir ses cheveux roux. Malgré un psoriaris très étendu qui dessine des « rayures de tigre » sur sa peau et lui donne des démangeaisons constantes, elle est très recherchée. Surtout, Sugar lit, beaucoup, et écrit un roman. Une ambition la tenaille : sortir de sa condition.


 


Quand William Rackham, qui est à la tête d’une usine de parfums, savonnettes et eaux de cologne, fait sa connaissance, il n’a de cesse de vouloir la garder pour lui seul et va y parvenir. Pendant ce temps, la femme de William, Agnes (écrit à l’anglaise, sans accent), « parangon de la féminité en porcelaine », ravissante femme-enfant peu aimée, s’enfonce dans un délire qui l’éloigne de la réalité, de son mari et de sa fille Sophie. Il y a bien d’autres personnages, d’autres vies. Le livre s’ouvre avec Caroline, amie de Sugar, tombée dans la prostitution en désespoir de cause,  dans sa pauvre chambre froide, « son plancher moisi, son plafond noirci par la fumée, son odeur de cire, de sperme et de vieille sueur » et un accident de fiacre que Caroline voit de sa fenêtre. Le temps que le cocher aille chercher des bras pour récupérer la voiture, des hordes de gamins surgissent pour désosser la carcasse.


 


Ce premier chapitre donne le ton du livre. Foisonnant, riche en détails historiques, flamboyant et surprenant. Faber a conçu ses personnages avec ce qu’on pourrait appeler de l’amour. Il n’y a pas la dureté de Balzac, ni l’ironie de Proust, ni la psychologie un peu factice et formatée des auteurs américains d’aujourd’hui qui ont tous suivi des cours de « creative writing ».


 


La fin du livre est stupéfiante. Comme l’écrit le narrateur qui ouvre le livre : « Une séparation brusque, je sais, mais il est toujours ainsi, n’est-ce pas ? Vous pensez que cela durera toujours, et soudain c’est fini ».


 


Des milliers de lecteurs indignés, éplorés, abandonnés, ont écrit à Faber pour le supplier d’écrire la suite, de dire ce que devenaient tous ces personnages. Il s’est contenté d’abord de répondre : « Je pense que Sugar va bien s’en sortir ». Il a toutefois écrit, non la suite des aventures de Sugar, William et Sophie mais « Les contes de la rose pourpre ». Quelques petits récits où l’on retrouve certains des personnages, parfois des années après l’époque du roman ou bien quelques moments avant. Très astucieux. Le lecteur n’a plus qu’à combler les vides comme il veut. Et ça, c’est l’art d’un vrai romancier !


 



 



 


* Personnellement, j’aime les gros livres qui pèsent lourd, surtout en vacances quand j’ai plus de temps. On peut préférer la réédition en poche (Points Seuil) en deux tomes.


 


** Pour en savoir plus sur la prostitution en France à la même époque, on peut se reporter au livre de Laure Adler « la vie quotidienne dans les maisons closes. 1830-1930 », réédité en poche (Pluriel).


 


Source : www.amazon.fr


 




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