J’ai l’air d’avoir eu mon permis dans une pochette surprise mais je l’ai eu, au bout de trois fois et moults cours dans deux auto-écoles différentes, j’ai changé de moniteur et le deuxième m’a mise à l’aise. Il me racontait qu’il était dresseur d’animaux et souvent demandé sur des tournages. Il me racontait comment cela se passait sur les plateaux de cinéma, les heures à attendre, passées devant de superbes buffets, dressés en permanences pour l’équipe de tournage et les figurants. Cela me faisait rêver, j’ai toujours eu envie de voir l’envers du décor.
Quelques années plus tard, je cherchais quelque chose sur Google. Je n’ai pas trouvé ce que je cherchais mais je suis tombée sur l’annonce d’un casting de bébé de trois mois pour un film.
J’ai envoyé la photo de mes jumeaux qui avaient trois mois mais paraissaient plus petits car ils sont nés à sept mois, prématurés avec deux mois d’avance. Pour les gens, ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Quand je les regarde tous les deux, je les trouve différents mais il m’arrive de les confondre dans la précipitation. Ils m’ont rappelée, j’ai demandé à ce qu’ils viennent les voir chez moi, je n’avais pas envie de les faire attendre dans un casting et ils ont été sélectionnés.
Les vrais jumeaux sont appréciés au cinéma pour les faire intervertir quand l’un n’est pas sage. Ils recherchaient justement un petit bébé pour jouer le rôle du nouveau né d’Emmanuelle Béart et Samy Bouajila. J’étais trop contente, desperate housewife, j’allais enfin vivre quelque chose qui sorte de l’ordinaire.
Pendant quatre jours, chaque matin, le deuxième assistant est venu nous chercher à l’autre bout de Paris pour nous conduire sur le lieu du tournage. Ils étaient des stars d’un jour. C’était exactement comme dans le film « Meilleur espoir féminin », une horde d’assistants et d’assistants-d’assistants étaient aux petits soins pour moi et les jumeaux. Sami Bouajila me faisait même la bise, j’étais quand même « la maman de son fils ».
N’allez pas croire que je suis une mère indigne qui fait travailler ses enfants dès la naissance. Certes, ils ont été payés au tarif figurant mais ils n’ont pas gagné le cachet d’une star. Leur argent, je n’ai pas le droit d’y toucher, il est à la Caisse des Dépôts jusqu’à leur majorité.
Et puis leur rôle d’acteur n’est pas très fatigant, il consiste justement à dormir, manger et à être changé. Ayant lu le scénario, j’attendais la scène de la couche changée par Emmanuelle Béart avec impatience. Quand on a des jumeaux, toute couche qu’on peut éviter de changer est un gain de temps. Mais j’ai dû le changer avant de jouer la scène car elle a fait semblant. Cela m’aurait amusé que mon bébé fasse un jet sur elle à ce moment-là, je ne suis pas méchante, cela m’aurait juste fait rire et aurait servi pour le bêtisier. Mais il a joué son rôle à la perfection, sans accident.
Dans une autre scène, Michel Blanc devait porter un des jumeaux. Il m’a demandé comment s’y prendre car il n’a pas trop l’habitude des bébés. Mais il s’est très bien débrouillé et ne l’a pas laissé tomber, à mon grand soulagement.
A la fin du tournage, le second assistant m’a demandé de venir pour réaliser un « sonseul », j’ai compris après quelques instants qu’il s’agit d’un son seul. En fait, tout le monde se tait pendant qu’on enregistre les gazouillis de mon bébé avec une saucisse noire au bout d’un long bâton.
Comme je l’espérais, j’ai eu droit aux buffets perpétuels, j’ai mangé à la table des figurants. Les stars mangeant dans leur loge pour se concentrer sur leur texte. J’ai eu droit aussi au cocktail de fin de tournage. J’ai pris un verre en compagnie de l’équipe et des acteurs. Emmanuelle Béart, Sami Bouajila et Michel Blanc ont gentiment discuté avec moi. J’étais intimidée de leur parler en vrai et essayais de chasser de mon esprit l’image de Jean-Claude Dus sur un télésiège chantant : « Quand te reverrais-je… ».
Et puis il a fallu redescendre sur terre et revenir à mon train-train quotidien de mère au foyer ordinaire. Mais je garde de jolis souvenirs de cette expérience hors du commun.
Quelques mois après, je suis allée au cinéma voir le film en avant-première, un moment émouvant de voir mes jumeaux sur grand écran avec leur nom au générique de fin.
Aujourd’hui, mes jumeaux ont 6 ans, ils ne sont pas devenus célèbres grâce à ce film. Mais je ne suis pas certaine d’en avoir envie, je ne souhaite pas qu’ils vivent les frasques de certains enfants stars.
C’était mon journal de maman (extra)ordinaire.
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