Parfois, je me revois du haut de mes 17 ans, à voyager un coup en Angleterre pour être fille au pair, un autre à Amsterdam pour faire un coucou à ma meilleure amie. Fière de me débrouiller toute seule en anglais, d’avoir négocié une OV chipkaart ou de suivre les petites lignes roses du métro Hammersmith qui me mènera dans une famille d’accueil que je ne connaissais pas. Mes parents (et surtout ma mère) ont vite dû me laisser voler de mes propres ailes car j’avais et j’ai toujours ce besoin incessant de voyager. A 17 ans, seule avec mes deux valises à Saint Pancras, je me sentais libre, adulte, responsable et surtout indépendante. Depuis toujours j’en avais rêvé et j’avais besoin de cette liberté. Je me moquais de mes amies qui restaient dans les jupons de leurs mères et ne quittaient pas leur région natale sans leurs parents. La famille ne représentait rien pour moi. A cette époque, pour rien au monde je n’aurais voulu d’enfants. Au contraire, je me sentais enchaînée à mon pays natal et mon ticket de train représentait un billet vers la Liberté.
Cette même année, j’ai eu mon bac. C’est donc sans regret que j’ai quitté ma campagne pour m’installer dans une métropole. Comme j’étais mineure, mes parents m’ont logée chez des connaissances et ma meilleure amie était ma voisine de pallier. Je me suis vite intégrée à ma nouvelle vie, j’étais bien installée, j’avais des amis, je continuais mes voyages pendant les vacances et certains weekends. J’avais atteint le stade d’étudiante, Saint Graal où je pouvais enfin manger des tartines de Nutella au fond de mon lit en regardant des séries jusqu’à deux heures du matin le tout en pyjama sans que personne ne me fasse de remarque. Puis, je me suis vite ennuyée, et j’ai toujours voulu tester le programme Erasmus. Six mois me paraissaient peu, j’ai donc signé pour un an. J’ai eu un pays que je ne souhaitais pas plus que cela, vu que c’était un pays frontalier et que mes cousins y habitaient mais après tout, les voyages forment la jeunesse et ça me permettrait d’améliorer mon néerlandais.
Cependant, l’été avant ce déménagement, j’avais beaucoup travaillé sans me soucier de me reposer: j’ai donné des cours de français à des étudiants étrangers puis j’ai bossé deux semaines en colonie en Angleterre où je suis tombée malade direction le NHS. Trois jours plus tard, j’enchaînais avec un job à Disney, ce qui n’était pas de tout repos non plus. J’ai donc commencé ma rentrée assez affaiblie. Puis le jour J, j’avais loué un appart en rénovation, il se trouve qu’il n’était pas fini alors que j’avais toutes mes affaires à installer et je devais dormir là. Ce fut le début d’une longue série d’emmerdes. Oui d’emmerdes, tout problème a sa solution mais pas ça ne marche pas comme ça avec les emmerdes. Pour être franche, on m’a vite fait comprendre que comme je ne parlais pas la langue nationale, je n’étais pas prioritaire. Au final, j’ai vécu une semaine sans eau courante, deux semaines sans rideaux avec le lampadaire dans la tronche, deux mois sans pommeau de douche, trois sans cabines de douche et ma seule connexion avec le monde extérieur était limitée à 10 heures par mois. Sans compter qu’aucun de mes supposés tuteurs ne se souciaient de mon état sauf pour me réclamer les documents qu’ils avaient perdus. Certains de mes professeurs n’aimaient pas les francophones et me le faisait clairement sentir et personne ne m’avait dit que je vivais dans un pays qui regorgeait de moustiques mutants et qui résistaient à l’hiver ! Heureusement, j’avais des amis mais la plupart ne restaient qu’un semestre et mes amis espagnoles ne traînaient qu’entre eux. Tout cela a participé à ma perte de poids et d’estime. Environ 7 kg en deux semaines et des crises de pleurs quatre fois par semaine.
Heureusement, mes parents étaient compréhensifs et m’ont aidé à passer ce cap. Moi qui me suis souvent moquée d’eux, je le regrette maintenant car c’est quand on est dans le besoin que l’on voit les gens qui tiennent à nous. Peu de mes amis se sont préoccupés de moi.
Cette année, je débarquais dans une nouvelle école en France cette fois-ci mais dans une région à 500 km de la mienne. Et même si mes parents me rassuraient sur le fait que j’étais en France, que tout serait plus simple, j’avoue avoir eu très peur de rater à nouveau ma rentrée. Les membres de ma famille m’ont aidée à m’installer et sont restés le temps que je reprenne mes habitudes car encore une fois, j’ai eu des problèmes : pas d’électricité durant 7 jours donc pas d’Internet, pas de télé, on ne peut pas non plus utiliser son frigo ou encore cuisiner, pas d’eau chaude, j’avais perdu mes tickets de train et il me manquait bien entendu plein d’affaires.
Au final, je vais beaucoup mieux, j’ai repris de nouveaux repères, mes études me plaisent, je me suis parfaitement adaptée à ma nouvelle vie, même si je n’y reste qu’un an. D’ailleurs, je suis bien contente d’être en France, ça me permet de reprendre facilement mes repères, de rencontrer plus de monde et de me prouver que je peux me débrouiller seule. Si l’année dernière a été un échec et m’a permis de clouer le bec à cette méprisante adolescente que j’étais, cela ne veut pas dire que toutes mes expériences à l’étranger vont se passer de la même manière. Et puis, cela m’a permis de faire un tri dans mes « amis » et de voir la vie d’un autre coté. Tout n’est pas tout noir ou blanc. D’ailleurs, je ne veux pas rester sur un échec et l’année prochaine, j’espère retenter ma chance dans un pays néerlandophone mais cette fois-ci, je vais m’assurer de vivre dans la ville où j’ai des contacts au cas où il me faudrait un plan B.
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