Des verres à pied, il y en a. Une machine à café ? Trouvée ! Et puis du riz, beaucoup de riz. Au final, le pire est évité : vous ne vous êtes pas retrouvée nez à nez avec un morceau de pizza d’il y a dix jours ou avec les restes exténués d’un menu Mic Mac. Mais votre recherche de légumes s’est avérée vaine. C’est vrai qu’il y avait quelques patates. Ça se mange, le riz aux patates ? Silencieusement, vous vous êtes demandée où se trouvaient les ustensiles de cuisine. Entassées au-dessus du frigo, quelques casseroles prenaient paisiblement la poussière. Dans un tiroir, quelques couverts faisaient la sieste sur une serviette. Sur une étagère, une petite pile d’assiettes noires broyaient du noir. Vous avez infiltré une cuisine de mec. Le genre qui sifflote à la table d’un café, rentre chez lui, pose un demi-pied dans sa cuisine et décide de retourner au café. Le genre qui, parfois tellement las d’alterner deux recettes jour après jour et semaine après semaine, opte pour le jeûne. Le genre qui demande s’il ne serait pas envisageable de faire cuire un cheescake sur la plaque électrique. Parce qu’il n’a pas de four mais adore le cheescake et qu’une plaque, si on réfléchit bien, c’est un peu comme un four, ça chauffe. La cuisine de mec est une contrée géniale qui ne convient pas aux individus dépourvus d’imagination. À vrai dire, taguer « Voie toutes issues ! » en lettres roses sur la porte vous a effleuré l’esprit.
Vous avez passé avec brio la phase How I met your kitchen. Autrement dit, vous avez bâillonné votre petite bouche lorsqu’elle s’apprêtait à hurler pour la seconde fois : « Mais, l’art de l’assaisonnement ça te parles ou… pas ? Non, non c’est juste que je cherche le poivre depuis un certain temps et… ». Vous avez même fait mine de ne pas être trop estomaquée en apprenant que « Nan, mais ce genre de fromage (le Philadelphia pour le cheesecake cuit à la plaque électrique), tant que tu ne l’as pas ouvert, tu peux le conserver presque un an ». Puis arriva l’inévitable phase Elle & Lui dans la LuiCuisine, ponctuée de d’éclats de rire, d’éclats de voix, d’éclaboussures. Vous pensiez faire de la vulgarisation mais vous vous êtes heurtée à un visage consterné et dubitatif, contemplant la pâte à crêpes toute prête dans le saladier : « Mais il y a déjà des œufs là-dedans ? Mais t’es sûre ? Quoi ! Il suffit juste d’ajouter du lait ? Ah, mais du lait ça j’en ai ! ». Vous n’imaginiez pas qu’un mec dans une cuisine arborait un visage de môme devant un gâteau d’anniversaire. Vous vous êtes pincée lorsqu’il s’est jeté une avalanche de fleurs et vous a bombardé de « T’as vu ? T’as vu ! » lorsqu’il a fait sauter les crêpes en mode « franchement, j’assure ! ». Vous n’avez pas réprimé votre sourire en le revoyant appliquer consciencieusement la méthode du bain-marie (« un quoi ? un bain quoi ?! ») pour faire fondre le chocolat, façon « j’ai fait ça toute ma vie » (mais en fait non donc je suis hyper concentré). C’est alors que, lentement mais sûrement, il s’est mis à répondre lui-même à ses propres interrogations : « Non mais il faut vraiment un four pour faire un crumble ? Nan, mais il doit bien y avoir un autre moyen ». A priori, les réponses doivent-être gravées sur votre visage. Un regard furtif en coin et puis : « Oui, bon d’accord, on ne peut pas faire un crumble sans four, pfff ».
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