Alors je t’ai quittée BEAUTÉ

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La semaine dernière, alors que je retrouvais mes anciens réflexes en me perdant volontairement dans les ruelles de notre ville, je me suis surprise à lever les yeux vers l’appartement de nos vingt ans. Celui de notre insouciance, de nos soirées entre potes, de nos folles équipées.


 


En une seconde, je me suis replongée quinze années en arrière, au moment de notre rencontre au détour d’une allée. Je me suis souvenue de ce choc que j’avais ressenti alors, ce coup de foudre immédiat et réciproque, cette complicité presque innée. Je me suis revue te parlant du beau gosse avec qui j’avais sympathisé, depuis quelques semaines. Celui qui allait devenir mon meilleur ami, celui qui était déjà ton homme sans que je le sache. Il n’y a pas de hasard.


 


Notre improbable trio, fruit du destin, riche de ses différences, fort de ses expériences communes. J’ai souri en repensant à nos fous-rires, à toutes ces heures passées à échanger et à refaire le monde.


 


Je t’ai revue parée pour notre première nuit blanche à Montpellier, la première d’une longue série. Toi avec tes hauts talons compensés complètement inappropriés, et moi avec mes Doc Martens qui n’ont pas tenu le choc.


 


J’ai revécu nos escapades à Barcelone, nos nuits à danser, nos réveils sur la plage, nos errances au M.A.C.B.A., nos après-midis de récupération à Cadaqués. J’aurais voulu trinquer de nouveau, un verre de vino tinto à la main, devant une assiette de tapas.


 


J’ai continué ma ballade, et je me suis retrouvée devant mon ancien appartement dans les hauteurs, celui de nos vingt-cinq ans. Celui qui a fait de votre quartier mon quartier, celui qui nous a unis encore d’avantage.


 


Les musées, les cinés, les expos, les concerts, les restos. Le marché, les petits déjeuners en terrasse, les huîtres aux halles. Les soirées à picoler, à fumer. Les journées assis autour d’une table, à regarder la vie, et à faire la nôtre. Notre précipitation à nous retrouver, notre difficulté à nous séparer.


 


Notre amour commun pour la cuisine, les week-ends entiers à tester des nouveautés, que nous faisions goûter aux volontaires. Les soirées à thème, nos tours du monde culinaires. Ton don si particulier, que je n’ai jamais réussi à égaler, transformant le moindre plat en repas gastronomique.


 


Nos engagements associatifs, les chill-out, la prévention contre l’alcoolisme ou l’accoutumance aux drogues, l’organisation des soirées, les fêtes de la musique, les festivals, encore et toujours… Notre course folle pour nous sentir utiles.


 


Nos tentatives sportives. Le yoga, le taï-chi, le kung-fu, la capoeira. Les promenades en rollers sur les quais, nos entraînements, les semi-marathons que nous n’aurions jamais faits seules.


 


Le Cambodge, enfin.


 


Comment résumer en quelques phrases quinze ans d’un quotidien effréné. Quinze années qui nous ont vu devenir adultes, qui nous ont fait grandir et mûrir ensemble. Toutes les fois où tu as été là pour m’aider à me relever, et toutes celles où j’ai essayé de te guider.


 


C’était un autre temps, celui où nous avions toute la vie devant nous. Celui où demain ne nous importait guère, et où nous n’envisagions l’avenir que comme une succession de fêtes.


 


C’est cela qui a commencé à me peser. J’en ai eu assez de ces nuits blanches, du froid, de ces musiques à perdre la tête. J’ai voulu changer de vie, me poser un peu, voir d’autres choses. Première brèche dans cet édifice que l’on rêvait inébranlable.


 


Puis il y a eu ma rencontre avec l’homme de ma vie, si différent de nous, mais tellement proche de ce dont j’avais besoin. Notre envie de vie à deux, puis à trois. Ce désir que tu avais toi aussi et que tu voyais inassouvi par sa volonté à lui, celui que tu aimais. Et votre rupture, séparation de corps mais pas de cœur, qui vous a détruit tous les deux.


 


Mon éloignement géographique a marqué la fin de nos rencontres improvisées. La naissance de mon fils a mis un terme à notre attachement. Comment aurais-je pu me douter que te demander d’être sa marraine de cœur aurait des conséquences aussi lourdes ? Que je t’ajoutais un poids au lieu de renforcer nos liens comme je l’espérais ? Tu as commencé à repousser mes invitations à venir nous voir, puis à ne plus répondre à mes propositions de moments en tête-à-tête.


 


Et enfin il y a eu cette fête d’anniversaire, où je me suis sentie étrangère au milieu de ce groupe d’amis que je croyais aussi être les miens. Parmi ces gens qui ne savaient même pas ce que je devenais, qui ignoraient que j’étais Maman. Miroir aux alouettes de l’amitié. Il n’y avait que vous deux de vrais, et même vous me sembliez tellement loin de moi.


 


J’ai refait une tentative, j’ai tendu la main une dernière fois, mais tu as préféré ne pas la prendre, trop impliquée dans des activités qui te remplissaient la tête.


 


Alors je t’ai quittée.


 


Voilà deux ans que nous avons échangé nos dernières paroles, deux ans que nous ne nous sommes pas vues.


 


Je ne sais plus rien de toi, tous les ponts ont été coupés. Mon plongeon dans la maternité a effrayé l’homme de notre trio, qui te refusait ce bonheur, et l’a éloigné définitivement lui aussi. Il ne me reste plus rien de mon ancienne vie, de cette vie avec vous.


 


A part ces souvenirs qui s’estompent, et cette ville dans laquelle je me perds en pensant à toi.


 


Source photo : truelovejunkie.wordpress.com


 


Article rédigé par Malise.



 
 


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