Je vous ai parlé de l’hospitalisation pour menace d’accouchement prématuré en termes un peu froids, sans y mettre vraiment de ressenti. La vérité est que j’ai mis plusieurs jours à mettre de l’ordre dans mes émotions et à comprendre quel était ce malaise qui ne me quittait pas depuis mon retour à la maison. Ce n’était pas l’angoisse que j’avais ressentie la semaine précédente, car je n’ai pas pensé que ma fille allait naître durant ce séjour à la maternité. Bien sûr, j’ai eu peur à l’idée qu’elle arrive trop tôt, et je trouvais qu’elle était encore bien petite pour affronter l’extérieur. Mais ce n’est pas ce qui m’a laissé ce goût amer.
La culpabilité, beaucoup de mamans en parlent, et c’est une notion relativement vague vue de l’extérieur. Coupable de quoi ? Quand la nature nous joue un tour, que le corps s’emballe, qu’y pouvons-nous ? Ça c’est la version objective… Car lorsque l’on est concernée, ce n’est pas si simple d’y échapper.
Je culpabilise d’avoir si mal réagi à l’hospitalisation.
Lorsque la sage-femme m’a annoncé qu’on me gardait, j’ai fondu en larmes, et, pendant qu’on me cherchait une chambre, je répétais en boucle à mon homme « je veux rentrer à la maison » en pleurant de plus belle. Au moment où j’écris ces lignes, je m’en veux encore énormément de ma réaction. Y avait-il vraiment de quoi pleurnicher, sachant que ma fille allait bien et que je n’allais pas non plus la mettre au monde dans la soirée ? Il n’y avait rien d’insurmontable, je ne supportais juste pas l’idée de rester à l’hôpital. Je pourrais mettre ça sur le compte de la peur, mais si aujourd’hui les larmes me viennent encore en y pensant, c’est que je suis profondément déçue. J’aurais aimé être forte pour ma fille, me dire que l’essentiel est son bien-être, et que je pouvais bien affronter ça pour elle. J’aurais aimé qu’elle n’ait pas à sentir cette tension, ce stress, j’aurais aimé la préserver de tout ceci, être une mère qui protège mieux son enfant, une meilleure mère en somme.
J’ai culpabilisé d’être étiquetée « MAP » (Menace d’accouchement prématuré)
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Pourtant les risques n’étaient pas énormes, on me l’a bien précisé. J’étais relativement assurée de parvenir à la semaine suivante, au moins. Mais j’ai eu cette impression de ne pas réussir à garder mon bébé à l’abri. C’est idiot, parce que je n’ai rien fait qui aurait pu déclencher ces problèmes, je n’ai pas forcé ni porté de poids, rien de ce genre. Et quand bien même, si cela avait été le cas, on ne peut pas prévoir qu’une grossesse qui se passe bien va subitement poser un problème. Mais impossible de me sortir cette idée de la tête : c’est ma faute, je n’arrive pas à la garder au chaud, mon corps est trop fragile… J’ai eu la sage-femme qui me donne les cours de préparation au téléphone, et elle m’a dit « vous devez culpabiliser j’imagine ». J’en aurais pleuré de reconnaissance : elle comprenait.
J’ai culpabilisé lorsqu’on m’a parlé de la maturation des poumons.
C’est ce que j’ai le plus mal vécu dans ce séjour à l’hôpital. Comment expliquer ça ? Bien sûr, il y avait une part de peur, puisque cette précaution allait dans le sens d’une suspicion d’accouchement prématuré. Mais je m’en suis surtout voulu de faire subir ça à ma fille. C’est tout de même un traitement médicamenteux, ce n’est pas anodin pour un bébé. Qui sait quel effet cela lui fait ? On ne m’a pas laissé le choix, et je trouve ça juste que toutes les précautions soient prises. De toute façon, je me serais sentie tout aussi coupable de prendre le risque de priver ma fille d’une aide précieuse en cas de naissance prématurée. Finalement, d’un côté je détestais l’idée qu’on la dope, et de l’autre je n’imaginais même pas qu’elle puisse avoir besoin d’une assistance respiratoire à cause d’un refus de traitement. Coupable, donc, dans les deux cas.
Aujourd’hui, je culpabilise de n’avoir pas eu toutes les infos.
Pour les sages-femmes il n’y avait rien de vraiment alarmant, mais le médecin a poussé le principe de précaution au maximum, sans vraiment prendre le temps de m’expliquer ses décisions. L’équipe était géniale et prenait le temps, la gynéco ne l’avait pas. Peut-être aurais-je dû réclamer une autre échographie du col lors de mon admission, car visiblement l’interne s’est planté dans la mesure et je ne suis pas descendue en-dessous de la limite des 26 millimètres. Peut-être aurais-je pu éviter le traitement des poumons, et même l’hospitalisation et le stress qui va avec. J’aurais dû insister, chercher à savoir plus que je ne l’ai fait. Je me rappelle ce moment où la gynéco a parlé de 31 semaines, alors que j’en étais à 33 déjà, pourquoi ne l’ai-je pas repris ? Du coup je m’interroge sur la nécessité de tout ceci… Je n’aurai jamais la réponse, et l’essentiel n’est pas là bien entendu, mais il n’empêche que j’ai encore du mal à expliquer le pourquoi de cette hospitalisation.
C’est sans doute l’article le plus négatif que j’ai écrit jusque-là, mais c’est aussi le plus nécessaire.
Car il me faut mettre des mots sur ce malaise, ce poids qui commence tout juste à s’alléger. J’ai pleuré pour en libérer une partie sans savoir de quoi il s’agissait vraiment, aujourd’hui je suis soulagée de pouvoir le décrire, l’extraire de moi et le regarder sur le papier. Il me semble déjà moins lourd vu d’ici. Il fallait que ça sorte, que je m’en libère. Et pour achever de m’en guérir, je regarde mon ventre se déformer, car c’est l’heure de la gym pour ma princesse, ma petite fille en pleine santé qui prend toute la place dans mon ventre et dans mon cœur, que je devine un brin chipie et tellement pleine de joie. Elle va m’en apprendre long sur la vie cette enfant, je le sais déjà.
Article rédigé par Un Carnet Rose.
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