Grandir est une des choses les plus dures, les plus effrayantes qu’il nous est demandé de faire dans la vie. A partir du moment où l’on naît, on est inévitablement propulsé à pleine vitesse vers l’âge adulte sans qu’on ne puisse rien faire. On ne lutte pas contre le temps qui passe. C’est comme être pris dans les rapides : plus on se débat, plus vite on se noie.
Grandir, ça fait peur parce qu’on ne sait pas ce qui nous attend et que par bien des aspects, il est plus facile d’être enfant. Quand je suis sortie du lycée il y a un an, je me sentais invincible, je n’avais peur de rien et j’avais des certitudes. J’allais être écrivain, vivre à New-York, sortir diplômée de Columbia et avoir quatre enfants avec un homme qui m’aimerait et me donnerait toute la tendresse que je souhaitais.
Je pensais savoir qui était mes amis, mes alliés, ceux qui se battraient toujours de mon côté quoi qu’il arrive. Je pensais que tout serait simple, que tout était tracé. Nous le pensions tous, je crois. En tout cas, la photographe, l’étudiant en médecine et moi on était sûrs de notre coup. Durant un an, on est tous les trois allés de défaites en déceptions : BTS raté, première année raté, permis raté, report de départ, traitement dévastateur pour le corps et le moral, remise en question, absence de vie sociale, dépression, impression de n’avoir de place nulle part…
Les mois ont défilé à une allure folle déchirant en lambeaux rêves et espoirs. C’est dur, surtout quand les autres autour de vous ont ce qu’ils souhaitent en travaillant deux fois moins ou en choisissant la solution de facilité. Et ça fait mal quand on voit deux des amis qu’on aime le plus dans le même état que nous alors qu’on sait qu’ils méritent cent fois mieux.
Alors, on se serre les coudes. On peste contre le karma, ensemble. On se téléphone quand on n’a pas le moral. On s’épaule, on se soutient. On fête les petites victoires du quotidien comme un nouveau copain ou la fin du traitement. J’ai grandi cette année, mûri, perdu en candeur et en naïveté.
Tout n’arrive pas à point à qui sait attendre. Quand on veut une chose dans la vie, on travaille pour l’avoir, on le prend, on prouve qu’on le mérite. On admet qu’on crève de jalousie qu’une telle soit partie et pas nous, ou que machine ait eu la formation qu’elle veut pendant que nous, on rame. On apprend à patienter, aussi. On comprend que tous nos désirs ne peuvent pas être satisfaits immédiatement qu’ils soient d’ordres matériels ou autres. On grandit, en somme.
La fin de l’année scolaire approche et je suis encore formatée sur ce rythme-là. L’année commence en septembre et finit en juin. C’est l’heure des bilans. L’heure des remises en questions aussi. Et la semaine prochaine, on va se retrouver tous les trois. Nous n’avons plus été réunis depuis un an. Nous, les trois mousquetaires, trio un peu étrange à l’alchimie bizarre. Ma photographe et mon futur médecin, mes deux alliés de toujours. J’ai fait du tri dans mes contacts, perdu des relations que je croyais éternelles mais eux, ils sont encore là.
Aujourd’hui, je suis encore un bébé, ça c’est sûr mais j’ai moins peur de grandir. La photographe a eu un deuxième entretien pour le BTS et je suis prête à aller briser personnellement les genoux de tous ceux qui oseront dire qu’elle n’a pas de talent. Le futur médecin va rempiler sa première année de médecine parce qu’il est comme ça et qu’il ne lâche rien. Je lui souhaite également d’enfin pouvoir parler du secret qui le ronge depuis un bon moment.
Quant à moi, je suis amoureuse, ce qui en soit et une des choses les plus merveilleuses du monde. Je ne sais pas si je serai à New-York l’année prochaine ou en IUT mais ce que je sais, c’est que j’avance pour arriver à mes fins. Ce que je sais aussi, c’est que je ne leur ai jamais assez dit à quel point ils comptent pour moi, combien leur avis et leur soutien m’ont été précieux ces dernières années. J’apprends à grandir un peu plus chaque jour et j’ai moins peur qu’avant. Parce que je partage ça avec eux. Et j’en suis fière.
S’il y a une leçon à retenir de tout ça, c’est qu’il ne faut pas craindre de grandir ou de vieillir. La seule chose qu’il faut craindre, c’est de le faire seule.
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