Ses 12 m2 avaient cet air d’appartement ivre mort. Une chambre abandonnée sens dessus dessous, d’une hâte colérique. Flanqué à terre, le contenu de la pièce. Des tiroirs arrachés et vidés, des vêtements éparpillés, de la nourriture ici et là et une saleté noire à l’image d’un drôle de désespoir. Il s’était tiré de chez lui. À peine adulte, il s’est enfui de sa vie en la piétinant, du bas de ses 24 ans. Le petit mot qu’il avait laissé, c’était sa piaule dévastée qui disait « laisse tomber ».
« Il est majeur, il a le droit de disparaître » affirmaient les bleu marine. Dans le timbre de leur voix, on entendait un haussement d’épaules. Ils ne cherchent pas les paumés, les squatteurs d’un jour pour toujours.
Sans baluchon, d’autostop en autostop, il avait rejoint le sud. Retourner dans le squat d’où l’avaient déjà extirpé quelques voix familiales tonitruantes. Retrouver son lieu alternatif autogéré, un joli nom de refuge pour une compagnie d’évadés de la société. Le pouce tourné vers le ciel, il avait renoncé à se faire une place et se précipitait dans les bras de ceux qui n’en voulaient pas. Il passerait des soirées au coin du feu à l’alimenter d’idéologie désespérée. Le jour, il vaquerait à ses inoccupations, à droite à gauche, nulle part. Il avait filé à l’anglaise, droit vers le squat où il squatterait sa vie.
- « Oui, oui, je suis sa petite amie, je me demandais si vous saviez où il se trouve, je n’ai aucune nouvelle de lui depuis plusieurs semaines. »
- « Sa petite amie ? Tu t’appelles comment ? » Merde, la voix rauque au bout du fil ne croyait pas un mot du scénario si soigneusement inventé.
- « La dernière fois que je l’ai vu il allait bien, faut pas s’inquiéter. »
- « Ah bon, donc vous l’avez vu récemment ? Vous n’auriez pas un numéro de téléphone où une adresse où je pourrais le contacter ? » Son soupir était presque audible.
- « Non, je sais pas, quand je le verrai je lui dirai que t’as appelé. »
Dans le clan, personne n’a de nom, de téléphone ou d’adresse. Les sans identité fixe n’aiment pas les fouineuses qui enquêtent sur un ton mielleux, feignant n’avoir aucun lien de parenté avec le disparu.
Sur la toile, décodage de surnoms étranges qui ne riment à rien, lecture de ces billets contestataires pour la forme, dénués de sincérité ou d’organisation de la pensée, croisement d’actus, de l’expulsion d’un squat à l’ouverture triomphante d’un nouveau local à liberté. Tout un univers de mômes vieillissants qui n’ont jamais décidé de ce qu’ils devaient faire de leurs dix doigts de pied. Fuck you, mais je ne sais pas pourquoi.
Deux ans plus tard et deux e-mails de deux lignes plus tard, il est en vie quelque part. Chacun sa route, chacun son chemin, passe ce message à ton voisin ?
Article rédigé par Petite Voix Off
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