So friendly management BEAUTÉ

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Il y a de ces boîtes ou le big boss porte un sweat à capuche et des trucs aux pieds qui ressemblent étrangement à des Converses. Et lorsqu’il déterre le trois pièces, vous ne le reconnaissez pas. Il y a de ces boîtes où la moyenne d’âge ne dépasse pas les trente ans et où votre manager, qui fait un peu bondir la moyenne, joue la carte de la proximité, avec un faux sourire smiley. Elle arpente l’open space en mode so djeuns, so dans le coup, je sais parler budget puis chiffons et faire claquer mes Louboutins, j’ai un job super stylé, on se serre tous les coudes my friends. Alors on floute la hiérarchie : regarde, regarde, ma pote, les responsabilités que je t’offre, la grande confiance que je t’accorde. Vois, ma copine de galère, comme je m’adresse à toi en égal à égal, comme je t’over-implique. Et alors, c’est l’organidrame : Qui fait quoi ? Qui est responsable de qui ? Qui reporte à qui ? La contre-productivité se met en marche : averse de mails « je crois savoir que c’est toi qui t’occupe de ça » avec la terre en Cc et N+2 présumé en Cci, contamination de la boîte de niveau dix sur l’échelle de la rumeur (« Je t’assure, il paraît que c’est X qui va reprendre le pôle marketing et que Y migrera au service commercial et managera l’ancienne équipe de X »). Les managers ont fermé les portes de leurs bureaux pendant que l’open space prend des allures de salle des marchés.


 


Pendant qu’on se prenait au jeu de la cool attitude, du bosser main dans la main, tous ensemble, tous ensemble et du so busy so charrette, parce qu’un manager avait si bien su se décharger, si bien su nous vendre un caddie plein de responsabilités insoupçonnées, on oubliait que la hiérarchie renaîtrait de ses cendres quand sonnerait l’heure du débrief, du reporting, des comptes. Cinq minutes pour décortiquer les chiffres d’un pénible tableau Excel sans piper mot, scrollant agressivement, en se creusant une ride du lion. Une minute pour aboyer « Et ça, ça en est où ? Et ça, tu l’as fait ? Mais non ! C’est avec Y qu’il faut voir ça ! » Deux secondes pour laisser échapper un « Ouais… Bon… » peu convaincu en guise d’attribution de note. La verticalité reprend ses droits : le manager boit les restes de la potion qui fait grandir, abandonné par Alice, du pays des merveilles. Et le salarié paraît rétrécir, rétrécir… Envolé le ton hey ma cops, comme on se comprend, comme on forme une dream team. Avènement de la tradition qui avait si soigneusement été cachée derrière un rideau glossy glossy : application stricte des codes du « parler à un subalterne », réactivation explicite du lien de subordination, construction immédiate d’un mur de Berlin entre la reine des abeilles et ses ouvrières. Berné(e), dégainez le bouclier qui fait tanguer les fondements de la so friendly boîte : l’attitude entente cordiale et 100% pro.


 


Article rédigé par Petite Voix Off



 
 


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