Chez moi, en cuisine, c’est déjà l’ébullition depuis 10 heures ce matin. Mère-grand a ressorti son programme de guerre, chronomètre autour du cou, sifflet près de la bouche, prête à tout moment à intervenir en tant que Lieutenant des opérations.
Bon, les filles en cuisine, les hommes dans le canapé. Déjà, ça commence mal, ça m’agace quand elle dit ça. Mon frère, Joshua, a autant de doigts que moi qui sont forcément plus agiles que les miens. »Les filles, à l’attaque : on commence par la brioche du petit-déjeuner de Noël d’abord, ensuite, on fera mariner les légumes et on préparera la farce de la dinde. »
Pause déj’ de 10 minutes sans se goinfrer : ce soir, c’est Noël. Dans l’après-midi, on prépare les petites bouchées apéritives, les garnitures, les entrées. Des questions ?
- « Oui, moi ! Je pourrais avoir une pause vers 17 heures pour mettre du vernis.
- Des vraies questions ? Non ? Bon, à l’attaque ! »
(Coup de sifflet)
C’est beaucoup de préparatifs parce que ma grand-mère, même si ses petits enfants sont devenus adultes, elle fait un apéro, une entrée adultes, une entrée enfant, un plat et la tradition des 13 desserts.
C’est un peu comme à l’armée. Chacun se voit confier des missions très spéciales. Un commando de la bouffe, en quelques sortes. Pour un peu, on chanterait presque un air militaire en cadence.
Ma mère ira faire les dernières courses. Ma sœur, Brandi, aura le droit de s’occuper de la dinde, de la ronde de purées et du gaspacho tendance. Ma grand-mère s’occupera de faire mijoter le canard et de préparer les sauces et les ficelles picardes.
« Et moi ? » « Toi, Marcelle ? Tu vas… Tartiner les rondelles de concombre avec du Boursin. C’est bien ça, non ? » Cool. Je suis ravie. En plus, c’est dégueulasse.
Faut savoir que ma grand-mère n’a tellement pas confiance en moi (quelqu’un a dû lui raconter l’histoire du jour où j’étais coincée dans l’aspirateur) que j’ai toujours les tâches pourries avec elle. Comme le jour où fallait repeindre son salon. Moi, j’ai dû laver son radiateur.
Tu ne vas sans doute pas me croire mais, visiblement, même ça, je ne le fais pas assez bien. Tu ne mets pas assez de Boursin, Marcelle ! Ce n’est pas un temps de guerre, c’est Noël : faut avoir de quoi se mettre sous la dent.
Alors quand j’ai dû couper le saucisson, j’ai retenu la leçon : » pense comme Grand-mère : de quoi avoir à se mettre sous la dent… de quoi avoir à se mettre sous la dent… »
« Marcelle ! Je ne t’ai pas demandé de faire des steaks. Mais bien des rondelles fines et régulières de saucisson. Quel carnage ! » Waouh ! Relax Mémé. C’est Noël. Pas Top Chef. Bon là, je rends mon tablier et je les laisse faire entre gens qui savent. Je vais voir si je peux aider à la déco.
Mère me briefe. Cette année, le thème, c’est argent, cerfs et paillettes. Ouais, comme d’hab, quoi ! « Cette nappe, cette surnappe, ce chemin de table, ces serviettes-là. On sort les beaux verres. Non pas ceux-là, les autres ! Tu repasses un coup sur les couverts. Et tu n’allumes pas tout de suite les bougies, hein ! »
« Joshua ne peut pas m’aider ? » « Non, il est en pleine parti de World of Warcraft ! » Je fais, je replace, je réajuste. Le résultat, n’est pas trop mal, n’empêche. J’ai juste cassé un verre mais Mère n’a rien vu, rien entendu. Du coup, toute fière, je monte enfiler mes habits de lumière et quand je redescends, Mère et Sœur ont changé toute la déco, comme si, encore une fois, j’avais mal fait.
C’est comme ça tous les ans. Ca fait trois ans que je dis FUCK. Puisque je fais tout pas assez bien pour elles, j’ai décidé de toujours travailler le 24 décembre, de les laisser faire à leur guise puisqu’elles doivent tout refaire derrière moi et d’arriver en même temps que les invités.
« Marcelle, tu nous donnes un coup de main le 24 ? » « Je suis vraiment confuse, je n’ai pas pu poser ma journée : je dois être de permanence. »
Article rédigé par Marcelle.
No comments:
Post a Comment