Pop’Pea, l’opéra classique version pop music BEAUTÉ

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Transposer un opéra classique en un show visuel pop rock, c’est un pari risqué. C’est ce qu’a tenté Jean-Luc Choplin, le directeur général du Théâtre du Châtelet avec Pop’Pea, adaptation du dernier opéra de Monteverdi : Le Couronnement de Poppée (1642).


 


L’histoire est classique. Néron, empereur romain capricieux et cruel, marié à Ottavia, tombe fou amoureux de Poppea, une courtisane mariée au jaloux Ottone et dont la seule ambition est d’accéder au trône. Malgré les mises en garde du philosophe Sénèque, son précepteur, Néron n’a qu’une idée en tête : répudier sa femme afin de faire couronner Poppea.


 


Pop’pea a l’avantage des noms. Des grosses pointures, aussi bien sur scène que dans les coulisses.


 


C’est d’abord le metteur en scène Giorgio Corsetti, qui avait déjà collaboré avec le Châtelet pour le sublime Luthier de Venise en 2004, secondé par le vidéaste Pierrick Sorin, qui gère aussi la scénographie et la vidéo.


 


C’est ensuite un casting aussi rêvé qu’improbable : Benjamin Biolay dans le rôle d’Ottone ; Carl Barât, le chanteur de feu The Libertines, qui campe Néron ; Marc Almond, ex-Soft Cell à qui l’ont doit le cultissime Tainted Love, en Sénèque ; la soprano Valérie Gabail qui interprète Poppea et la sublime suédoise Fredrika Stahl dans le rôle d’Ottavia.


 


Et c’est, pour finir, des musiciens de renoms comme le compositeur américain Michael Torke qui réalise l’adaptation musicale, le dramaturge Ian Burton qui signe le livret, Max La Villa à l’orchestration et aux arrangements ; sans oublier Peter Howard, le dernier batteur des Clash, qui réalise ici la co-orchestration, les arrangements et toute la direction musicale du spectacle.


 


Ajoutons que les costumes ont été dessinés par Nicola Formichetti, alias le costumier de Lady Gaga ; et on obtient un sacré programme.


 


Voici la vidéo bande annonce du spectacle :


 

 


Le principe de mise en scène est aussi peu conventionnel qu’il est incroyablement innovant : un écran géant est suspendu au dessus de la scène, tandis que sur les côtés et à la vue de tous, de mini-maquettes sont activés et filmés afin de projeter le tout sur ledit écran, en guise de fond. Les « comédiens » chantent et jouent devant un écran bleu et sont eux aussi filmés et incrustés sur l’écran.


 


Une mise en scène à trois niveaux qui met l’œil aux aguets.


 


Sur papier, ça paraît fabuleux. En vrai, ça l’est moins.


 


Certains tableaux sont beaucoup trop courts, on aimerait pouvoir s’attarder un peu plus sur tel ou tel élément, que le tout ne s’enchaîne pas si rapidement. D’autres sont beaucoup trop kitsch, pour ne pas dire « moches » : les personnages se meuvent dans des décors en carton pâte au choix de religieuses, éclairs et autres pâtisseries ou fromage de chèvre, saucisse de Strasbourg et pain de mie grillé. C’est sympa quand c’est Katy Perry, mais avec Benjamin Biolay, c’est un peu too much.


 


D’autres en revanche, sont amusants, bien pensés voire poétiques. Par exemple, un bête fer à repasser est transformé en navire grâce à l’ondulation d’une soie bleue, un squelette fait du vélo pour symboliser la mort proche, et quelques magnifiques tableaux comme celui où Néron enflamme Rome.


 


Au final, la grande déception reste le côté très mal léché de l’entreprise. On sent que tout n’est pas correctement calé et bien rodé. Le tout est un peu trop « rough ». Sur l’écran, les personnages sortent parfois de nulle part, les projections se décalent à droite, à gauche. C’est parfois très dérangeant dans un spectacle de cette envergure où l’ambition et la créativité ne sont pas à la hauteur de la réalisation.


 


Venons-en aux « comédiens/chanteurs », la partie la plus « importante » d’un opéra.


 


Carl Barât est bizarrement (et agréablement) surprenant. Sa voix, bien que peu puissante et parfois fausse, se laisse pourtant très bien écouter. Connu pour ses frasques et son addiction à la drogue, on aurait pu craindre son comportement sur scène et son jeu. Mais, au contraire, le petit côté « je m’en foutiste » passe plutôt très bien pour le rôle d’enfant gâté capricieux et irresponsable qu’est Néron.


 


Marc Almond se vaut étrangement mieux en tant qu’acteur qu’en tant que chanteur. Il sonne parfois très faux, mais se rattrape entièrement sur son dernier chant, magnifique et bouleversant. En revanche, quand il s’agit de récitatif, il maîtrise. Cela est probablement dû à sa formation en art dramatique.


 


Quant à Benjamin Biolay… mis à part l’accent anglais yaourt dont on ne peut pas vraiment lui tenir compte, il est simplement mauvais. Il ne chante pas juste et n’a aucune présence sur scène. Souvent le dos tourné au public, on a l’impression qu’il cherche où se mettre. S’il n’était pas projeté sur grand écran, on aurait du mal à se rentre compte qu’il est bien là, ce qui est dommage pour un des personnages principaux.


 


Valérie Gabail, la soprano et unique voix lyrique de la distribution, est une véritable pro. Elle connaît son boulot, et ça se voit. Sa voix d’opéra se prête très agréablement aux riffs électriques, elle joue la comédie et endosse à merveille le rôle de l’exécrable Poppea.


 


Fredrika Stahl, qui incarne Ottavia, est parfaitement incroyable. Outre la justesse de son chant et sa voix magnifique, elle dégage une douceur qui se ressent dans toute la salle. Elle joue merveilleusement bien et réussit à toucher tout le public autant par son rôle que sa grâce et sa beauté.


 


Le casting est complété par Anna Madison dans le rôle de Drusilla, et deux rappeurs : AC et Mathic Mouth, les soldats de Néron. Ces trois là apportent un peu de nuance au spectacle, avec un effet de surprise fort sympathique lors du rap des soldats, et surtout la grande fraîcheur qu’apporte Anna Madison avec la très naïve Drusilla.


 


Ce sont donc définitivement les filles qui renforcent cette distribution qui tient bon, malgré les faiblesses des uns et des autres.


 


Le côté musical est fort de sa distribution. Rien à redire sur l’adaptation musicale, dans laquelle on retrouve tout à fait les airs classiques de l’opéra original de Monteverdi. Les chansons sont belles, parfois naïves et souvent très fortes. L’orchestre est excellent. Mené par Max La Villa à la guitare et Peter Howard à la batterie, il rassemble aussi une basse, un clavier et des percus, qui prennent parfois aux tripes.


 


Quant aux costumes de Formichetti, on aime ou on n’aime pas. Poppea ressemble parfois de façon saisissante à Lady Gaga. C’est un parti pris qui rajoute la dose de kitsch en trop à ce spectacle déjà bien barré. Les seuls costumes réellement intéressants sont ceux d’Ottavia.


 


Pour conclure, Pop’Pea est un opéra rock innovant qui s’écoute plutôt bien mais qui ne se laisse pas toujours regarder tant il est kitsch et aurait eu besoin de quelques répétitions supplémentaires.


 


Il reste intéressant à voir, surtout en prenant compte que cet article est basé sur la Générale (la toute dernière répétition en public, avant la Première) et qu’il s’est probablement rodé depuis.


 


Jusqu’au jeudi 7 juin au Théatre du Châtelet à Paris.


 


Article rédigé par Fancy Lily



 
 


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