« Nervöse Fische » (« des poissons nerveux », ou même, « des poissons qui ont les nerfs », pourrait-on traduire de manière plus libre) est le titre de ce roman paru en Allemagne en 2004 et traduit en français en 2011 sous le titre « Requins d’eau douce » (Folio policier).
Dès les premières pages, le lecteur est mis dans l’ambiance. « Lorsque le Dr Paul évoqua l’éventualité de trouver quelques dents au fond de la piscine, il avait pour cela une bonne raison. Cependant il ne parlait pas de dents humaines, quoique le corps qui flottait à la surface de l’eau fût indubitablement celui d’un homme. Mais si quelque chose était resté intact, c’était bien la tête du mort – et donc ses dents. Le corps en revanche était couvert de blessures, quand il n’avait pas disparu. La jambe droite manquait, sectionnée à mi-cuisse. […] Il était clair, même pour un non-zoologue, que ce genre de blessures ne pouvait avoir été provoqué que par un poisson, et plus précisément par un requin ».
Un homme attaqué par un requin ? Dans une piscine ? Située sur le toit d’un immeuble de Vienne en Autriche? Comment un requin est-il entré (et ressorti, car naturellement seul reste ce cadavre humain) d’une piscine sur le toit d’un immeuble de Vienne ? Cette étrange affaire est prise en charge par l’inspecteur Richard Lukastik, 47 ans, passionné de Ludwig Wittgenstein (il ne se sépare jamais du Tractatus logico-philosophicus) et de musique minimaliste, en particulier du compositeur Josef Matthias Haueur, contemporain de Schönberg et propriétaire d’une Ford Mustang de couleur dorée dont seuls dix exemplaires existent de par le monde. Lukastik est un personnage maniaque, obsessionnel – il ne peut pas entrer pour la première fois dans une pièce sans avoir au préalable posé un doigt sur ses lèvres, un peu excentrique et qui développe une approche très personnelle de l’enquête policière. Sa personnalité originale l’amène à faire des rencontres qui lui ressemblent : des gens un peu décalés, sûrs d’eux et assez indifférents aux autres ou en donnant l’impression. C’est une version inédite du détective solitaire, célibataire et tenace.
Steinfest a une manière bien à lui de décrire ses personnages. Ainsi le Dr Paul, médecin de la police, est « un petit homme à la cravate de travers, surtout connu pour la beauté de sa femme, bien plus jeune que lui, et dont la fidélité naturelle et sans réplique constituait pour beaucoup une énigme et un scandale ». Des personnages, il y en a beaucoup dans ce livre écrit de manière alerte. Même les animaux sont étranges. Les poissons japonais « parfaits dans leurs mouvements » qui tournent dans un aquarium peuvent ne pas être tout à fait de nature animale. Ou bien, Bacon et Burton, respectivement terrier nain et doberman, renommés ainsi après la mort de leur ancienne propriétaire par la femme qui les a adoptés mais se méfie de leur caractère car Bacon est un « joyeux colérique » et Burton s’adonne à des accès de mélancolie. Si, selon Steinfest, « le chien n’est pas vraiment l’ami de l’homme », « les halls d’hôtel, eux, comptaient au nombre des amis de l’homme », en particulier des sans-domicile fixe à condition qu’ils soient bien habillés et bien coiffés et de ne jamais se plaindre que le journal mis à la disposition des clients n’est pas celui du jour…
Les rebondissements sont nombreux, la vraisemblance n’est pas le souci de l’auteur et le lecteur est embarqué dans une aventure à la fois frivole et érudite, dont il ne peut imaginer la fin.
De Steinfest on trouve aussi en français : « Le onzième pion » (Die feine Nase der Lilli Steinbeck . Le nez fin de Lili Steinbeck. 2007. Folio Policier). Lili Steinbeck est une femme policière très élégante et très jolie, si ce n’est ce nez qu’elle a cassé en plusieurs endroits et dont la vue traumatise ses vis-à-vis qui se demandent pourquoi elle ne le fait pas redresser… Steinbeck est aussi excentrique dans son approche des enquêtes que Lukastik et a en commun avec lui le goût des longues nuits de sommeil. « Le onzième pion » développe des personnages hauts en couleur, dont le détective grec Killimachos, sorte de géant rhumatisant et doté d’une sorte de bouclier invisible qui le protège de tous les assauts ainsi qu’une intrigue fantaisiste et même fantastique.
Steinfest fait preuve d’une fantaisie à toute épreuve qui n’est pas sans rappeler certains livres de Johannes Mario Simmel (1924-2009), comme « On n’a pas toujours du caviar » (Es muss nicht immer Kaviar sein), paru en 1960 et qui s’est vendu depuis à 30 millions d’exemplaires dans le monde.
C’est extrèmement distrayant et quelques-uns de ses aphorismes pourraient bien s’avérer utiles au quotidien.
Steinfest est un auteur autrichien, né en Australie en 1961 et vivant en Allemagne. Un grand nombre de ses romans ont été primé.
Photo Steinfest : http://www.krimifestival-bs.de/archiv/2009/jahr-2009/
Couverture de « requins d’eau douce » : http://jackisbackagain.over-blog.com/
Couverture du « 11ème point » : http://passion-polar.over-blog.com/
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