Ce n’est pas que vous ayez une dent contre la simplicité et les murs blancs. Ce n’est pas non plus que vous soyez une avide suiveuse des dernières tendances déco. Ce n’est même pas comme si vous n’aviez jamais connu de petit tête-à-tête avec le dénuement. Ce n’est sûrement pas que vous ayez un sévère penchant matérialiste. Rien de tout cela, simplement un léger pragmatisme, un sens de l’ordre et du fonctionnel pris de violentes convulsions chaque fois que vous ouvrez votre dressing en carton. Il y a bien quelque chose d’attendrissant dans le fait-maison provisoire qui s’éternise : vos vêtements mollement avachis dans une colonne de cartons de déménagement soigneusement empilés semblent murmurer « ayez pitié de nous ». Chaque jour les cartons s’affaissent un peu plus sous le poids de vos fripes et vous vous aventurez avec toujours plus de délicatesse dans votre « Ohc’estjusteneattendant ! » dressing. Mais après deux mois de provisoire, vous vous surprenez à chantonner régulièrement « Ma maison, est en carton, Pirouette, Cacahouète ! ».
Ce n’est pas que vous n’ayez jamais fait de camping sauvage, ce n’est pas que vous soyez la princesse au petit pois, ce n’est même pas que vous n’ayez jamais dormi tête-bêche à côté d’un mioche puant des pieds en colonie de vacances. C’est juste que chaque matin, lorsque que vous vous contorsionnez pour vous extirper de votre canapé d’angle (où vous étiez enroulée dans votre couverture façon nem), votre dos crie au scandale. Vous le faites toujours taire en autorisant vos pensées à marmonner que vous êtes tout de même passée de F3 à F2 avec la grâce saccadée d’un danseur de coupé-décalé et que Rome a mis trois plombes à se faire. Tant d’efforts pour masquer le fond du problème que vous, si Démerde-Débrouille-Don’t need any help (en fait si) ne voulez complètement admettre…
Ce n’est pas que vous ne disposiez pas d’un marteau, d’une perceuse, d’un tournevis, de clous et de tout un tas d’autres bouts de ferraille que vous ne sauriez nommer. Ce n’est pas que vous ne sachiez pas passer une commande sur le site de Conforamarre. Ce n’est pas non plus que vous n’ayez jamais fait de puzzle chiant. C’est juste que le clou se tord, la vis tombe une dizaine de fois, le marteau vous échappe et plonge pour violemment embrasser vos orteils, le haut se retrouve en bas, l’avant à l’arrière… C’est juste que vous transpirez, jurez et finissez par marteler au lieu de visser en peaufinant le tout à l’aide de deux ou trois coups de pieds. Et vous vous mordriez plutôt que de vagabonder dans les couloirs de l’immeuble façon mère céligalère en détresse pour recruter un Popeye pour vous aider.
Article rédigé par Petite Voix Off
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