Prorgasm-tination BEAUTÉ

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keaton - prorgasm-tination

 


Je voulais écrire puis j’ai oublié. Le silence absolu du blanc de l’écran. Je me retrouve devant cette page de néant intitulée Document1. Puis le vent se lève, il vient m’agiter un peu. Je tape sur les touches de mon clavier, elles se dérobent presque sous mes doigts, la gigue les a peut-être contaminées.


 


Dans le même temps, mon cœur fait le poisson rouge dans sa cage thoracique et de l’oreillette croît un tentacule qui envahit mes poumons… Mes cages à miel sont tout à coup prises en otage, atteintes d’une bien étrange maladie, et la vorace se transmet rapidement jusqu’à l’appareil cardiaque, plus alerté qu’un lièvre en cavale. Les symptômes ne trompent guère ; sourire béat jusqu’aux oreilles –  ces bienheureux réceptacles de l’orgasme sensoriel – quelques rythmes de caboche brusques et impromptus, une myriade de vaguelettes en bataille déboulant le tiercé du bas de mon ventre jusqu’au ventricule droit, noble et ô combien sollicitée ligne d’arrivée !


 


Et le vainqueur est le coup de cœur, arrivé premier au poteau de mes émotions, parvenant à ébranler tous mes projets de la soirée. Non, je n’avancerai pas dans mon mémoire ce soir, je n’appellerai pas non plus ma mère. Voilà que l’insidieuse folie envahit mon esprit et l’embrume d’un coton mélodieux.


 


Là, je ris à gorge déployée la porte ouverte ; dans le couloir mes colocs se retournent, leurs gros yeux surpris par cet élan de bruitage inopiné : je leur souris. Rien ne fera chavirer ma bonne humeur ce soir, je viens de me faire bousculer par une caisse claire, trois cordes de guitare et une voix chevrotante.


 


L’astéroïde a frappé par surprise et la collision n’en fut que plus brutale. Je tremble encore. Les dommages sont conséquents, mais à présent, tout ira pour le mieux, d’un coup remise sur pied, la convalescence fut instantanée. Ce soir, un filet de voix a volé mon trépidant, a tenu les rênes pour enfin forcer le galop jusqu’à l’extrême, et peut-être ai-je vraiment cru y passer cette fois.


 


Je suis passée tellement près de l’extase que la fin, du morceau cette fois, guettait mon trépas. Je n’ai pas bronché, les sens noués, et l’encéphale endolori, bercé d’une tendre langueur : si le moment pour moi est venu, je lâche prise sans demander mon reste, pour suivre cette ligne si régulière, si cristalline. Qui dit que tout s’efface. Un air d’évidence innommable. Car ce soir, je suis tombée amoureuse d’une note, d’une voix éraillée à l’allure incertaine qui chante nos vies, qui bégaye nos maux. Une berceuse parfois claudicante, souvent à la recherche d’elle-même : un souffle et tout est dit avec si peu.


 


Source photo : Keaton Henson


 


Article rédigé par Erin Ailene





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