Bon d’accord, vous allez dire que je suis de parti pris… et vous n’aurez pas tort. Tombée dans un caquelon de fondue quand j’étais petite, élevée au génépi et à la confiture de myrtilles, j’ai longtemps pris mon forfait saison pour ma carte d’identité et imaginé que la conduite de dameuse était une discipline olympique… oui, je suis née à la montagne, quasiment avec une paire de skis aux pieds. Et pourtant, j’aurais très bien pu ne pas aimer la glisse.
En effet, naître en altitude ne m’a pas dispensée d’heures de cours de ski par tous les temps (blizzard, températures polaires, pluies tropicales), avec tous les types de moniteurs (les jeunes sympas ou les vieux bourrus, les nouveaux qui s’en foutent ou les anciens fantastiques, les copains de mon père ou nos cousins par alliance…), endurant toutes les humiliations (la dernière place aux slaloms des Courses de parents d’élèves, le pipi irrépressible dans la combinaison, les bonnets de lutins aux couleurs et pompons improbables)… bref, j’aurais très bien pu ne pas aimer la glisse.
Malgré tout ça, c’est plus fort que moi, à la tombée du premier flocon commence à poindre l’excitation enfantine, la joie incommensurable que procure le Grand Blanc : j’ai les spatules qui me démangent, les carres qui raclent le plancher, les crochets de chaussures qui frétillent. La saison de ski s’annonce et elle va être bonne !
Parce que le ski, c’est la griserie de la vitesse. C’est le bonnet au vent et les larmes qui perlent au coin des yeux ; ce sont des kilomètres de paysages lunaires ou végétaux avalés en un clignement d’œil ; c’est la satisfaction d’avoir repoussé les limites de l’aérodynamisme pour tailler la courbe parfaite et tout ça, sans autre moteur ni carburant que sa propre envie d’en découdre avec les bosses.
Parce que le ski, c’est l’immersion en pleine nature. C’est le grand air, le froid qui picote les joues et entame les lèvres ; ce sont les petits chemins dans la forêt, l’odeur des sapins, le silence et les empreintes d’animaux dans la neige ; ce sont les grandes combes blanches et vierges dans lesquelles on va dessiner, avec grâce et légèreté, la première trace, sa trace.
Parce que le ski, c’est la convivialité. C’est la pause vin chaud et l’impossibilité absolue de ressembler à quelque chose quand on se retrouve, en entrant dans le bistrot, avec les lunettes embuées et le nez rouge clignotant à cause du choc thermique, et en enlevant sa chapka, avec le brushing aplati et les cheveux électriques ; c’est une tablée de copains, du fromage fondu bien mérité, des patates réconfortantes et une petite poire fort à propos ; c’est la piste de danse sans complexes, en chaussures de ski et en salopette.
Parce que le ski pour moi aujourd’hui, ce sont deux casques roses sur des anoraks chamarrés, qui tortillent leurs petites fesses dans la technique largement éprouvée du chasse-neige-godille en chantant “Hopa Gangnam Style !” et en rigolant à gorges déployées.
Pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres encore, je ne peux définitivement pas envisager de passer un hiver sans ski.
Article rédigé par Ma vraie vie de MAF.
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