Un enfant est la source de bonheur la plus incroyable qui soit. Il peut être à l’origine d’une fatigue intense, il peut vous mettre dans une rage terrible, il peut vous causer des soucis dont vous n’auriez même pas pu avoir idée. Et pourtant, au-delà de tout ça, c’est toujours un sentiment de joie qui prédomine à son contact.
Il est si innocent, si émerveillé de tout, si attentif aux détails, si passionné par la moindre nouveauté.
Son apprentissage de la vie ne se fait pas toujours dans la douceur. Il doit comprendre qu’il n’est pas le centre du monde, même s’il est le centre du nôtre. Il doit se confronter au refus, à la frustration, lui qui n’avait rien à faire pour que tout lui soit dû. Il doit comprendre la vie en société, ses codes, ses règles. On lui enseigne ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu’il peut faire et ce qu’il ne doit pas faire. Ce qu’il peut dire ou ce qu’il est interdit de dire.
Mais comment expliquer à un enfant des choses qui nous dépassent nous aussi, qui sommes pourtant adultes ? Comment lui faire comprendre qu’il sera amené à croiser des bons et des méchants, des personnes qui lui voudront du bien, et d’autres qui pourraient lui faire du mal ?
J’ai vu le film Polisse de Maïwenn. Ça a été comme si je recevais un énorme coup de point.
Tous ces gens, ces hommes et ces femmes apparemment responsables, respectés, qui abusent d’enfants. Tous ces petits êtres, tellement fragiles, dont la vie bascule à cause d’un geste dont ils ignorent la portée et la gravité. J’ai pleuré, de façon anormalement abondante, face à ce petit garçon enfermé dans un vestiaire avec son entraîneur de gymnastique…
J’ai été choquée de me prendre la réalité en pleine face. De comprendre que, très sérieusement et en toute bonne foi, certains pensent que les enfants sont sexuellement matures dès leur plus jeune âge. Pire, qu’ils sont en demande de ces relations complètement dégénérées !
J’ai subi des attouchements lorsque j’étais très jeune. Je ne me souviens plus très bien de l’âge que j’avais, moins de dix ans en tout cas. Je faisais du karaté, et mon professeur, un gendarme d’une cinquantaine d’année, « profitait » de l’aide qu’il m’apportait pour faire des étirements.
Je ne veux pas de « Oh », ni de « Ah ». Je ne veux pas de « Ma pauvre », ni de « Mais comment as-tu fait pour t’en sortir ? ».
Parce que je n’ai rien fait, tout simplement. J’ai pris comme excuse une blessure que je m’étais faite au ski pour ne plus jamais y retourner. Puis ma mémoire l’a effacé, littéralement.
Je sais que ça peut paraître incroyable, mais c’est la vérité. Pendant très longtemps, j’ai fait des cauchemars qui tournaient en rond autour de cette scène, cet homme penché sur moi. A tel point qu’ils se sont confondus avec la réalité et que je me suis persuadée que ce n’était qu’une invention onirique. Particulièrement malsaine, certes, mais purement issue de mon imagination. Un peu comme lorsque vous êtes adolescent et que vous avez tellement envie de vous enfuir de chez vous que vous en rêvez toutes les nuits. Au point de vous demander un jour si vous ne l’avez pas fait pour de vrai. Mais non, vous l’avez juste imaginé !
Je n’en ai pas développé un dégoût des hommes. Je n’en ai pas développé un dégoût du sexe. J’en ai développé un dégoût de moi-même.
En grandissant, j’ai cherché à me fondre dans la masse, à passer la plus inaperçue possible. Je ne m’habillais que de pantalons très larges, et de pulls ou tee-shirts XXL. Je ne me maquillais jamais, et portais en permanence une mèche de cheveux en avant, qui me cachait le visage.
Petit à petit, j’ai cherché à disparaître du paysage, à effacer définitivement ce corps que je détestais. A vingt ans, je pesais 38 kilos. J’avais eu des copains, des amourettes, un vrai coup de foudre aussi. J’étais une jeune femme qui vivait sa vie en dehors de son corps.
Il m’a fallu beaucoup de travail sur moi pour comprendre d’où venait mon besoin d’auto destruction. Il a fallu que je rencontre celui qui allait devenir le Père de mes enfants, et que je perde ma Mère, pour qu’enfin j’ai envie d’exister. Et pour que je m’en sorte, définitivement j’espère.
Un homme m’a volé une grande partie de ma vie, sans que je m’en rende compte. Je n’en ai jamais parlé, parce que je ne savais pas.
Il ne faut pas avoir peur de tout. Mais il ne faut pas faire comme si cela n’existait pas. C’est ici, et c’est maintenant. Hélas.
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