Je dois déjà être particulièrement bien atteinte, car j’ai une tendance naturelle à me fâcher avec mes personnages et, après avoir lutté contre (ou avec, cela dépend) eux, les enfermer dans un tiroir, au chaud.
Pour la première névrose, je me dois de vous expliquer mon cheminement intérieur. Déjà, choisir le prénom d’un personnage me semble toujours énigmatique. J’ai une idée, puis une autre, et je choisis. En tout état de cause, ce dernier refuse le prénom au bout de quelques pages et m’oblige à revoir ma copie. Evidemment, s’appeler Germaine ou Samantha ne va pas produire le même effet, mais qui est le chef ? Lui ou moi ?
La réponse est effectivement : lui !
Ensuite, je me bats pour continuer le déroulement de l’histoire selon mon interprétation, ma vision et surtout ma projection de fin. Que pensez-vous qu’il arrive dans quatre-vingt pour cent des cas ? Le personnage principal (oui, je ne reçois pas d’ordre des seconds couteaux, je ne suis pas masochiste, non plus !) décide de n’en faire qu’à sa tête et, au choix, d’éliminer l’autre personnage essentiel, trahir, se vendre au plus offrant, se trucider ou, pire, être lâche.
A ce point, je sens à chaque fois la crise de nerfs arriver à grands pas et je me dis qu’au bout de deux ou trois cents pages, je ne mérite pas « tout ça ! ».
D’aucuns me diront que je n’ai qu’à m’imposer dans la relation (d’autres sont déjà en train de contacter le service psychiatrie le plus proche !) et de ne pas abandonner la partie. L’autre problème vient du fait que j’aime passionnément mes personnages principaux.
L’un d’entre eux est typiquement le genre de mecs qui me ferait partir sur un autre continent juste en susurrant un « Tu viens ? ». Quand j’ai imaginé le thème, le déroulé et les personnages, il était un type ordinaire, secondaire et qui mourrait en cours de route, mais il a survécu et il s’est imposé dans la conception de l’histoire, avant que mes petits stylos prennent le pouvoir sur mon cerveau (lent… Je sais, celle-là tout le monde la fait, mais cela m’amuse toujours !).
Il est arrivé à se glisser au sommet de la liste des récurrents et il a pris un pouvoir et un espace incroyables au point que j’en sois, un peu, tombée raide dingue à mi-chemin.
D’où ma névrose quand il a fallu lutter pour sa survie et son avenir. Dans un premier temps, je l’avais un peu épargné (oui, j’ai encore un pouvoir de décision) mais il a voulu se sacrifier ; Du coup, j’ai un peu râlé (Non mais, c’est moi le chef, merdus !) et il est resté, là, planté comme un idiot. Bref, il pouvait être reconnaissant, je l’avais sauvé du grand naufrage.
Cependant, il arrive que des personnages soient abjectes, immatures, mauvais, et lâches (toutes les qualités requises pour me plaire !) et que j’ai aucune envie de cohabiter avec eux. Malheureusement, comme je l’ai expliqué dans un autre bulletin, je peux vivre avec eux pendant des mois. Ils hantent mon esprit, occupent une partie de mon crâne et s’entremêlent avec les autres au grand dam de la personne qui partage ma cuisine.
Car, mine de rien, cela prend de l’espace ce genre d’écriture… et ne parlons même pas de l’obsession musicale…
Tiens, oui, juste un mot sur ce chapitre. Certains auteurs ont besoin de silence, d’autres de musique sans paroles, et les derniers (dont je fais partie) peuvent tout écouter en écrivant. Mes obsessions musicales font que je suis péremptoire envers tout élément se rapportant à mon sujet (y compris la garde-robe que je dessine). Très souvent, un titre musical s’impose de lui-même en majeure partie parce qu’il influence ma vision et mon humeur. Je donnais la référence du morceau « I Bet You Look Good On The Dancefloor » d’Arctic Monkeys, parce que c’est récent.
Mais, par exemple, en ce moment (hormis les dernières chansons de blur, dont je suis une inconditionnelle depuis 1990, mais bon, passons !), je me focalise sur les chansons des années Trente. Un bonheur absolu en fait. J’ai besoin de ce vivier pour m’aérer et me plonger dans l’environnement d’un roman. Non pas que mon prochain roman est ancré dans ces années-là (quoiqu’il débute en 1937) mais les paroles cadrent parfaitement à l’idée que je me fais de l’ambiance et des personnages (le prochain qui bouge, je le liquide dès la quatrième page !). Je me dis que je suis partie pour minimum trois ou quatre mois à écouter en boucle, pendant mes horaires « auteur de romans non publiés », cette chanson ce qui relève de la torture mentale (volontaire, je vous rassure. Ce qui pose à nouveau la possibilité d’une névrose avancée !).
L’autre point évoqué était l’enfermement dans un tiroir. Et là, on touche du doigt le problème majeur. Depuis que j’écris, je n’ai pratiquement jamais voulu partager mes romans avec un public plus large que mon cercle de lecture restreint (quatre amis, mon papounet – qui râle à tous les coups, et quelques personnes de-ci de-là). Récemment, je me suis avancée vers une connaissance qui bosse dans le milieu de l’édition et je lui ai soumis mes romans (enfin deux d’entre eux… Ah, oui, pour information, j’en ai sept dans les tiroirs !). Mais mon Dieu, pourquoi ai-je fait cela ? Je m’en mords les doigts tous les jours. Non pas que j’ai peur que l’on me refuse ou que l’on me dise « C’est nul ! », mais j’ai principalement la trouille d’entendre un « Je prends, c’est bon ».
La peur de voir son travail lu par plus de dix personnes me bloque totalement. Serais-je encore capable de produire d’autres feuillets si j’étais publiée pour mes romans ? Et puis, ne sont-ils pas mes « enfants » ? En bonne mère louve, je refuse de voir étriller mes petits sur la place publique !
Alors, oui, cela relève indubitablement d’un traumatisme et il serait de bon ton de m’en soucier (à quarante deux ans, bientôt, cela va faire cher le traitement par rétroactivité !). Au Diable les angoisses et les regrets ! Ce qui est fait, est fait.
Je revendique juste le droit de pouvoir disposer encore un peu de mes personnages pour mon usage exclusif et de réserver mes œillades à mon personnage préféré sans avoir une quelconque concurrence avec une donzelle plus jolie (ce qui n’est pas difficile) que moi.
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